Un homme seul, obèse et sale est amené au commissariat. Il a de drôles de pensées, rêve des statues de l'île de Pâques ou d'éléphants, s'épanche au fil de
l'interrogatoire, sur son père décédé, un "italien très communiste"… De façon décousue, Polza Mancini continue pourtant à dévider sa vie jusqu'à une volontaire et
étonnante clochardisation. Il explique comment il a, un jour, lâché prise, et comment il est parti sur les routes à la recherche du Blast, cet instant magique où tout
s'illumine… L'homme est insaisissable et les enquêteurs n'ont qu'une crainte c'est qu'il s'arrête d'expliquer et se bloque définitivement. Or, il faut savoir pourquoi il s'en est
pris à Carole Oudinot… Au fil des volumes, Mancini, 38 ans et 150 kg, dévide sa vie, ses peurs, ses failles, les moments magiques qui le transportent ailleurs, ses séjours
psychiatriques, ses terreurs et cauchemars.
Le "blast", cet effet que provoque une explosion sur l'organisme, c'est un peu ce que fait ce huis-clos étrange sur l'esprit du lecteur. Du grand art où se mêlent
intelligemment, finement, violence et sensibilité. Quatre tomes ont été nécessaires pour savoir ce qu'il en est de cette "grasse carcasse" mais dès les premières pages, le
pacte était lié avec le lecteur. Pourtant le dessin n'est pas facile : Larcenet travaille en noir et blanc et lavis délavés, joue de paysages sinistres en pleine page, abuse de
gros nez qui feraient pâlir Uderzo… bref, crée tout à la fois un univers intrigant et répulsif, aussi peu conventionnel que peu commercial. Et c'est terrible et fascinant, du
Larcenet, quoi ! Puisque cet homme ne sait décidément pas être banal. D‘ailleurs, observez certains titres :
« L'apocalypse selon saint Jacky », « Pourvu que les bouddhistes se trompent ». Déroutants, à l'image du héros.
Didier Quella-Guyot
Pourquoi donner encore son avis sur une série déjà encensée par la critique ?
Surement parce qu'elle le mérite amplement, voire même plus tant elle vous entraine, tant elle vous envoute et vous fait dresser les poils des avants-bras...
Car en effet, si le dessin n'est pas des plus abordables, au final il s'avère être tout simplement en parfaite adéquation avec l'histoire. Polza a un énorme nez, pèse surement
plus lourd que ce qu'il dit, mais justement, il est une caricature d'humain alors le dessin est caricatural. Les quelques passages couleur pour symboliser l'envol dû au blast
sont parfaitement sentis.
La maîtrise du noir et banc et lavis est tout simplement impeccable.
Quant à l'histoire, qu'en dire si ce n'est qu'elle est tout simplement virtuose, Larcenet à ce talent de nous emmener où il veut, comme il veut, et ce n'est franchement pas une
difficulté des lire ces quatre pavés tant tout concourt à vous prendre aux tripes. Après l'achat du quatrième tome j'ai bien sûr voulu tout relire...je me suis couché fort tard.
J'ai acheté sur le nom de Larcenet. Clairement. Et encore une fois la mayonnaise a tellement bien pris que je ne peux que vous conseiller de vous jeter dessus.
Et puis une BD intelligente mais néanmoins grand public, c'est possible. Blast en est la preuve.
F.T.